[Linux] De la liberté des oeuvres (ex:Re: bilan des installations et compte-rendu)

Christophe Courtois christophe@::1
Dim 15 Déc 13:29:08 CET 2013


Allez, je me fais l'avocat du diable...

Le 12/12/13 22:55, zirst@::1 a écrit :
> Derrière tout ce débat, il y a toujours ces auteurs et cette fameuse
> création.
> - le découvreur ne fait que mettre à jour quelque chose qui existait ou
> pourrait exister quelque soit celui qui la trouve;
> - le créateur est plus difficile à définir. J'essaie : si on considère
> comme un (très grand) ensemble (au sens mathématique) tout ce qui est
> découvrable (ce qui inclus ce qui est déjà découvert et ce qui ne l'est
> pas encore), c'est ce (celui?Celui ?) qui peut définir cet ensemble.

Je ne sais pas si c'est important. Déjà en maths certains se demandent 
si on découvre ou si on invente. Philosophiquement, ça compte, mais en 
pratique pas tant que ça (lire plus bas). La notion d'"inventeur" vaut 
aussi pour des trésors que l'on découvre, et je préfère de loin cette 
acception-là.

> Ce qu'on essaie de nous vendre est que le créateur est une personne
> capable d'ajouter un élément à cet ensemble, mais qu'en plus il serait le
> seul à pouvoir le faire.

C'est là un des problèmes, et bien sûr c'est faux. Mais pas seulement.

> Je crois qu'aucun individu n'a découvert quelque chose ex-nihilo, ce qui
> équivaut à dire que nous sommes pas capable de création (dans la
> définition que j'ai essayé de donner).

Mouais, et c'est là qu'on est en désaccord.

Ex-nihilo : évidemment non. Nous sommes tous le produit d'une culture, 
et nous faisons avec ce que nous avons à disposition. Le cimetière des 
idées est plein d'inventions géniales qui n'étaient pas mûres pour des 
raisons technologiques (ordi de Babbage), sociales (l'esclavage 
décourage la mécanisation) ou culturelles (les inventions modifiant 
cette culture).

Que nous ne sommes pas capables de création dans un sens démiurge, oui.

Mais inventer des concepts jamais vus dans une société donnée ; créer 
des histoires jamais inventées ; concevoir des bâtiments jamais faits ; 
coder des applications jamais vues : SI, on peut, et des gens le font 
tous les jours.

Ce que les fanas du copyright à curée infini ou les opposants à toute 
"propriété intellectuelle" (brevet, droit d'auteur) oublient, c'est que 
l'invention/découverte ne se fait jamais toute seule.
Newton s'est "hissé sur les épaules des géants", mais il a dû grimper 
jusque là et ajouter son grain de sel.
Linus a peut-être été dans l'air du temps comme il le dit lui-même mais 
son code ne s'est pas écrit tout seul. Et Hurd n'a jamais été utilisable.
Stallman aurait été plus novateur (j'ignore le détail de l'histoire, et 
la notion de logiciel infiniment copiable allait bien un jour entrer en 
conflit avec la restriction artificielle imposée par l'économie des 
éditeurs), mais il a dû batailler ferme contre le système, alors qu'il 
aurait pu vivre son train-train peinard.
Dans un sens purement découvreur, Christophe Colomb (et son équipe) en 
ont bavé pour aller découvrir l'Amérique.
Et les écrivains et artistes passent un temps fou sur leurs œuvres... 
originales ou pas.

Effort ne veut pas dire possession complète non plus, ni droit indéfini 
sur l‘œuvre comme le voudrait Disney. Et bien des efforts ne sont pas 
récompensés, à tort ou à raison (mal fichus, mal vendus, pas adaptés à 
leur époque), c'est le risque de tout entrepreneur d'ailleurs.

Et on arrive là à l'organisation de la société : l'invention/création 
réclame un effort ; celui qui le fournit doit espérer en vivre ; mais 
rares sont les mécènes qui vont subventionner les artistes et écrivains 
; donc le monopole  temporaire de l'exploitation de l'œuvre/invention 
est un moyen d'encourager cet investissement de l'inventeur.

Certains ont la chance de faire de la recherche scientifique, des 
créations plus ou moins artistiques, ou de coder comme salarié : c'est 
leur entreprise qui a investi et encaisse les dividendes du monopole (ou 
fait faillite).

On s'en fiche que l'invention ait déjà été faite ailleurs. Pour une 
société, ce qui compte c'est que quelqu'un invente chez elle et que 
cette invention puisse profiter à la société entière.

C'est le principe. J'ai rien contre là-dessus. (Ceci dans le cadre d'une 
société à économie de marché capitaliste ; on peut en rediscuter le jour 
où un système véritablement communiste est envisageable).

Mais ce sont les *dérives* qui posent problème : blocage de l'innovation 
par les guerres de brevets ; brevets stupides (sans effort créatif 
notamment) ; extension temporelle absurde des droits sur les œuvres 
artistiques ; privatisation de ce qui est *déjà* dans le domaine public...




-- 
Christophe Courtois
http://www.courtois.cc/


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